MPOC +1, COVID +15000, à Ginette

Pourquoi et comment la perte d'une vie peut nous toucher quand 15.000 par jours à travers le monde ne nous fait plus que très peu d'effet ?

Je crois que notre bagage émotionnel détermine la limite de ce qu'on peut endurer, de comment on ressent les émotions vis-à-vis de qui arrive aux personnes autour de nous, à notre environnement.

Einstein a dit un jour la décision la plus importante que nous avons à prendre est de savoir si nous croyons vivre dans un monde amical ou hostile

Si je suis d'accord avec la citation, il reste que le monde peut, et va, se montrer hostile et intraitable envers nous à l'occasion. C'est un fait. 

Dans un monde sauvage où la logique serait, de l'ordre du "eat" or "get eaten". Je ne tiendrai assurèrement pas très longtemps ! Nous sommes tous uniques et différents, et quelque part c'est peut-être aussi ça qu'on appelle la sélection naturelle. 

Elle se présente sous différentes formes dans nos temps modernes, mais elle est toujours bien là au-dessus de nous. On a juste oublié, comme nous savons si bien le faire, toutes les formes sous lesquelles elle peut se matérialiser.

Celle-ci, revêtue du masque de la MPOC, une maladie pulmonaire qui m'était encore quelques jours inconnue, a décidé de prendre en ce début d'année Ginette. Une ancienne collègue de travail, elle avait juste 57 ans. Elle était partie de l'ONF, il y a si peu de temps pour profiter de sa retraite et elle avait de belles, si belles années devant elle. Malheureusement, le destin en a voulu autrement.

J’ai en tête ta douce et bonne humeur, cet aura de calme que tu dégageais, nos échanges sur les allergies, complètement anodin et précieux en même temps. La fois ou tu m'avais invité à venir essayer la danse salsa et puis tous ces autres petits souvenirs qui marque un tant soit peu la vie d'une personne qui croise le chemin d'une autre.

Ah qu'il est triste, mais aussi, je crois, bon à la fois, de réaliser notre immense fragilité. Je repense à ceci aujourd'hui, dehors du salon funéraire où tu es exposé. Il fallait que je vienne, même si ne rentrai pas. D'ici j'ai l'impression que je suis assez proche pour te dire au revoir, pour faire quelques prières et dire quelques mots. 

Comme il est spécial ... De vivre ce moment et voir le service de livraison du restaurant d'en face du salon funéraire battre son plein. De faire le trajet retour et voir toutes ces autos sur les routes. D'allumer la radio et d'entendre que les chaînes émettaient leurs signaux normalement et ensuite l'éteindre. De voir les gens tournoyaient tout autour. Et finalement moi qui fais un arrêt au Canadian Tire plus tard pour ramasser un snowboard pour mon fils. Serait-ce la magie de la vie qui opère ? Le fait qu’elle continue envers et contre tout ? 

Je terminerai ce texte avec une citation extraite du livre Train de nuit pour Lisbonne
Dans notre jeunesse, nous vivons comme si nous étions immortels. La connaissance de notre caractère mortel flotte autour de nous comme un sec ruban de papier qui touche à peine notre peau. Quand est-ce que cela change dans la vie ? Quand le ruban commence-t-il à nous enserrer plus étroitement, jusqu'à ce qu'à la fin il nous étrangle ? À quoi reconnaît-on sa pression douce mais inexorable, qui nous fait savoir qu'elle ne se relâchera jamais ? À quoi la reconnaît-on chez les autres ? Et à quoi, chez soi-même ?
En mémoire de Ginette Bellegarde 


Ricardo Da Fonseca







Comments